La crise a mis en exergue les faiblesses du modèle sportif français et a accéléré les tendances. Une approche générationnelle (babyboomers, génération X Y Z et alpha) est indispensable et permet d’anticiper les effets de la crise sur la reprise dans les clubs. Le centre de gravité du club devra bouger pour donner naissance à un club hybride entre le club barcecue et le club « service / garderie » .
En un an le modèle sportif français a montré toutes ses faiblesses. La crise a accéléré des tendances déjà dessinées depuis plusieurs années. Perte d’influence du ministère des sports, éclatement de la solidarité entre sport amateur et sport professionnel. Pire le sport professionnel lui-même a éclaté en vol jusqu’à susciter la création d’une Union des fédérations des sports professionnels en réponse à la tentative de création d’une ligue fermée européenne dans le foot. La représentativité du mouvement sportif est aux abonnés absents, c’est conjoncturel mais il est totalement mobilisé sur l’élection du futur président du CNOSF et préoccupé par la crise des cadres techniques ou la relance du sport (d’avant la crise) avec le passeport. Aujourd’hui le grand débat c’est comment gérer le pass sport sportif mais pas à quoi va t il servir … si ce n’est à reproduire le modèle passé. Sur le terrain, les licenciés ont déserté les clubs, la gouvernance du sport s’est enlisée. Un fiasco annoncé et déjà 2 rapports parlementaires sur le sujet alors que les conférences régionales ne sont pas toutes créées. Le secteur privé via l’Union Sport et cycle fait feu de tout bois.
Nous déplorions l’incapacité des acteurs du sport à porter collectivement une réflexion. C’était pourtant nécessaire pour préparer la reprise qui s’annonce compliquée Dommage .
Je pense que la reprise se fera différemment selon les tranches d’âges. Les séniors qui ont connu le club canal historique et qui seront vaccinés plébisciteront la réouverture des clubs. Et c’est un paradoxe, tous vaccinés ils seraient les premiers à pouvoir bénéficier d’une reprise à moindre risque, y compris pour le sport en salle. Pour les plus jeunes la situation sera plus compliquée on peut craindre un effondrement du taux de licenciés, pour les 20 40 la crise n’a fait que révéler et accélérer les tendances lourdes des dernières années, l’individualisation de la pratique, la consommation en tribu, l’ubérisation de la pratique
Explications
Il y a 1 an j’avais imaginé 2 scénarios d’évolution aprés la crise QUEL SPORT EN 2030 ? 2 SCÉNARIOS POST COVID 19
- Le scénario de l’implosion – explosion
- Le scénario de la raison
Il n’a fallu que 6 mois pour que le scénario de l’implosion explosion se révèle. Les crises sont des accélérateurs de tendances, celle -i est pire que toutes les autres. DU DÉCONFINEMENT AU RECONFINEMENT : LES 6 MOIS QUI ONT MARQUÉ L’EXPLOSION DU MODÈLE SPORTIF FRANÇAIS
Dans ce contexte que va t il se passer en septembre ?
Différents experts et universitaires se sont livrés à l’exercice. Le plus complet nous l’avons trouvé dans un article publié dans Futures & Foresight Science. Des scientifiques du Cirad ont analysé 83 scénarios qui imaginent « le monde d’après », tous produits entre mars et avril 2020.
60 % des scénarios analysés* s’appuient sur la croissance économique comme valeur centrale donc une continuité et un retour progressif à la normal. Pour l’analyse les chercheurs se sont basés sur les quatre archétypes de Dator
- La continuité : les scénarios reposent sur une évolution fondée sur la croissance économique (60 % des scénarios étudiés)
- L’effondrement : le modèle actuel s’effondre et la survie devient la valeur centrale (17 % des scénarios étudiés)
- La discipline : d’autres valeurs prennent le pas sur la croissance économique (redistribution, solidarité, écologie, etc.) (16 % des scénarios étudiés)
- La transformation : le progrès technique transforme à tel point la société que les valeurs fondamentales du vivant s’en trouvent modifiées (intelligence artificielle, humain augmenté, téléportation…) (7 % des scénarios étudiés)
Une lecture générationnelle de l’impact de la crise sur la pratique sportive
Je pense que dans le domaine sportif la situation sera plus contrastée. Fragmentée. La clé de lecture est generationnelle. Le confinement, la distanciation physique qui a conduit à la distanciation sociale a généré de nouveaux comportements, de nouveau réflexe, le repli sur soit et une consommation plus individualiste et distanciel ou au contraire une volonté farouche de retrouver le temps d’avant.
Pour les baby-boomer, les séniors, les premiers vaccinés, ce sera la continuitéet même le renforcement de la continuité, le plébiscite du club et de « l’indispensable temps saucisse merguez » pour reprendre l’expression de mon ami JC CRANGA. Les séniors mesurent le temps qui passe et vont souhaiter en profiter à fond.
La génération Y (1981 1995) née avec le numérique est totalement connectée avec les réseaux sociaux. Pour eux c’est déjà la liberté et la flexibilité qui primaient. Le faible engagement collectif est le marqueur de cette génération. Leur pratique se fait en réseau, en communauté mais aussi de manière égocentrée, elle s’amplifiera. La finalité : pratiquer avec qui je veux sans contrainte. Le club s’éloigne. Pour eux d’autres valeurs prennent le pas sur le reste c’est le scénario de la discipline.
Entre les 2 la génération X (61 – 80) celle qui a connu la migration vers le numérique, et qu’on surnomme les « immigrants du numérique», celle qui a découvert internet à l’âge adulte mais qui garde le souvenir ému du club, de l’ambiance, de la fraternité. Ceux ci sont aujourd’hui tiraillé entre revivre le club barcecue et s’adapter à l’aire du temps en restant jeunes et tenter la pratique via le numérique, se retrouver sur les réseaux comme strava ou autre running heroes. Ce n’est pas pour rien qu’on surnomme cette génération les « sans repères », pour eux, pas d’évolution tranchée.
La génération Z, née aprés 1995 est sans doute la plus impactée par la crise, génération d’adolescent et d’étudiant elle a trés mal vécue l’année écoulée. Déjà totalement dépendant du numérique, la crise les a forcés à encore plus l’utiliser, cours en ligne, visio à gogo. Ils sont « au bout de leur vie » « la covid les a privés de leur jeunesse » . Leur priorité re vivre, se détendre profiter. Des impatients qui se dispersent, mais à la recherche de valeurs et prêts à s’engager avec des formes d’engagements dits « post-It » c’est-à-dire de courte durée ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas sincères. Par rapport à la génération Y, ils se veulent beaucoup plus acteurs. Ce sont des « lutteurs » qui se moquent de cliver. Pour eux, l’individu ne doit pas se fondre dans le collectif mais le collectif doit se mettre au service de l’individu. Et sinon, on change de collectif pour en trouver un qui convient ou on change le collectif plus ou moins violemment. Moins conceptuels que les Y, ils ont des exigences-clés qui les démarquent (égalité , protection de l’environnement, le groupe voire la communauté / les valeurs d’universalisme, la reconnaissance de divers genres …) et des outils (le numérique), une solidité psychologique acquise avec la crise… Leur défaut : l’absence de revendication formalisée qui s’explique par leur volonté de concret. Du coup, ils sont aussi agiles et difficiles à cerner. On est sur un scénario de transformation.
Quant à la génération alpha, les plus petits, ce sont les parents qui décident encore pour eux. Mais pendant le confinement les parents ont trouvé d’autres alternatives aux clubs. Certains disent déjà finalement la privation de sport en club pendant plusieurs mois n’a pas eu autant d’impact que ça sur mes enfants … mais aussi le temps passé dans les transports pour emmener le petit aux activités et l’attendre dans des installations parfois vétustes n’est finalement pas un temps aussi heureux que ça ! Heureusement comme le disait notre Ministre des sports « le sport est un mode de garde. » …. Certains parents re inscriront leur bambin au club.
La crise facteur d’accélération de la bipolarisation des clubs sportifs.
Entre le club familial d’un coté (pour les babyboomer et les X ? ) et le club service garderie/ service de l’autre (pour les Y, Z et alpha ? ), la crise a accentué la bipolarisation du positionnement des clubs. Même chose pour le sport professionnel entre d’un coté les sports les plus riches (ou les plus endettés) qui sont prêts à tout pour créer la scission avec les autres clubs.
Il y a donc un modèle de club sportif à ré inventer
Pour les Y et les Z le confinement a montré d’autre chemin pour vivre en tribu. Le vivre ensemble a laissé place au vivre en réseau, les nouvelles habitudes prises par le confinement vont perdurer. Le seul sport-plaisir ne suffira pas et pas sûre qu’ils n’adhèrent pas au barbecue s’ils trouvent un cadre sécurisant dans lequel ils sont responsabilisés… Le club à l’ancienne (le club barbecue) est-il appelé à disparaitre de la mémoire collective et le club garderie / service restera-t-il limité à son service ? Une chose est sure la digitalisation, même sophistiquée ne fabrique pas du lien social physique.
L’exemple de la culture est édifiant de ce point de vue. Les réseaux sociaux rendent le rassemblement possible et satisfait aux besoins de concerts. Leurs organisations autorisées ou non n’exprime pas l’adhésion à une forme de musique particulière, de ce point de vue toutes les musiques se valent. Mais c’est le partage simultané des émotions qu’elle procure qui rassemble dans une appartenance même éphémère à un groupe. Cette approche générationnelle concerne également le sport qui se regarde.
Vers un club sportif hybride ?
L’erreur serait de penser comme le laisse croire certains propos des candidats à la présidence du CNOSF que le numérique réglera tout. Pas du tout, le numérique n’est qu’un support de communication. Non le sujet est bien plus fondamental, il interroge la place du club dans la société. L’offre digitale portée par le mouvement sportif pourra en effet proposer des pratiques collectives renouvelées. Cela sera-t-il suffisant ? suffira -t -il de digitaliser la prise de licence pour en augmenter le nombre ?
Il se pourrait que le mouvement sportif soit contraint d’aller bien au-delà et de sortir de son enclos, de son entre soit institutionnel pour exister plus largement dans la société pour devenir un acteur de poids dans la communauté nationale …pour le moment il ne s’adresse qu’aux siens.
Une chose est sure c’est qu’avec cette crise le centre de gravité du club devra se déplacer.
Un repli sur son histoire lui serait sans doute fatal. Problème le sport est aujourd’hui pensé à son plus haut niveau par des dirigeants qui ont la nostalgie du club d’antan (les baby-boomers et la génération X). Pour survivre le club hybride devra avant tout s’adapter aux besoins de chaque génération.
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