Alors que le nouveau Stade de Bordeaux sera inauguré lors de la
dernière journée de Ligue 1, le débat sur l'impact économique des
nouveaux stades et la pertinence des montages retenus pour leur
réalisation est relancé notamment avec la publication du baromètre UCPF.
Ce baromètre et surtout les présentations qui en sont faites sont
relativement critiques sur les PPP récemment mis en œuvre pour la
réalisation de certains stades.
S'il est justifié que le syndicat des dirigeants des clubs
professionnels défende l'intérêt de ses adhérents, il est nécessaire
d'alimenter le débat au moyen de certains éléments objectifs.
L'EURO 2016 : accélérateur des projets et engagement des parties
L'EURO 2016 a été un « accélérateur des projets de stades en France
», cette formule est d'ailleurs issue du rapport de la DNCG pour la
saison 2008/2009. Un accélérateur parce que des projets ont pu enfin
voir le jour avec l'enthousiasme des clubs et de la LFP fortement
impliquée sur ce sujet.
Accélérateur aussi parce que le cahier des
charges de l'UEFA imposait une livraison au plus tard au 30 juin 2014
ou au 30 juin 2015 en fonction de l'interprétation stricte ou souple du
cahier des charges de l'UEFA et des contrats signés (notamment le
Stadium Agreement et ses articles 4.6 et 4.9). Cette obligation a donné
lieu à un engagement contractuel de la FFF et de chacune des
villes-hôtes.
En retenant la date du 30 juin 2015, on constate que 5 stades
seulement auront respecté cet engagement contractuel : Lille, Nice,
Marseille, Saint-Etienne et Bordeaux. Sur ces 5 stades quatre auront été
réalisés en PPP (Lille, Nice, Marseille et Bordeaux) et un en
conception-réalisation (Saint-Etienne). Le PPP très décrié ces derniers
mois aura permis des réalisations exceptionnelles : innovation
technologique majeure à Lille avec la « boite à spectacles », délais
record à Nice (2 ans ½ d'études et travaux pour un stade de 35.000
places), réalisation en site occupé sans précédent à Marseille (maintien
d'une jauge de 40.000 spectateurs) ...
Pendant ce temps les autres schémas de réalisation sont à la peine.
Le Stade des Lumières devait être livré « au plus tard au début de la
saison 2010/2011 » selon le document de base transmis le 9 janvier 2007
par OL Groupe à l'Autorité des Marchés Financiers en vue de
l'introduction en bourse (§12.1.2 du document, page 112). Il aura fallu
deux lois (loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques et loi du 1er juin 2011 relative à l'organisation de l'EURO2016),
une garantie publique pour laquelle le Conseil Général du Rhône a dû
s'y prendre à deux fois et des cautions personnelles considérables pour
que les travaux du stade démarrent effectivement avec une livraison qui
interviendra après le 30 juin 2015. Ce modèle n'est évidemment pas
transposable : il n'a pu être mis en œuvre que grâce à l'opiniâtreté et
l'engagement financier d'un dirigeant qui a persisté malgré les
obstacles et apporté des garanties financières personnelles qu'aucun
autre dirigeant français n'aurait probablement voulu ou pu apporter.
L'exemple du Stade Bollaert illustre le propos avec un BEA qui se
termine en simili-maitrise d'ouvrage publique.
Les délais du 30 juin 2015 ne seront pas davantage tenus à Toulouse ou au Parc des Princes.
. On peut en outre regretter que la question des coûts soit en
général abordée avec un étonnant manque de sérieux. On peut ainsi
regretter qu'une infographie (« Le foot français ouvre le débat des partenariats public-privé
» mette en perspective, sans aucune nuance, ni explication, des coûts
travaux, des coûts de conception-construction, des couts d'opération
voire des coûts d'investissement présentant pour certaines opérations
des coûts limités aux seuls travaux et pour d'autre des coûts intégrant
les travaux, la maitrise d'œuvre, la maitrise d'ouvrage, les taxes et
assurances, les frais financiers intercalaires, l'actualisation et la
révision, le phasage ...
La « libre exploitation » des stades
Certains clubs s'émeuvent aujourd'hui de la présence du partenaire
dans le partenariat public-privé et revendiquent, par le biais de
l'UCPF, la « libre exploitation » lorgnant vers un modèle anglais
radicalement non transposable : celui de l'Emirates Stadium.
La propriété privée des stades en France se limite à ce jour deux exemples : Ajaccio et Auxerre.
Au-delà de l'appropriation privée, la « libre exploitation » existe
notamment au Parc des Princes, à Rennes ou au Havre. Aucun de ces
exemples ne démontre que cette « libre exploitation » apporterait au
club une dynamique lui conférant un avantage significatif. Tout
particulièrement au Havre la liberté d'exploitation dont jouit le HAC
dans son nouveau stade ne lui permet pas, à ce jour, de sortir du milieu
de tableau de la L2.
Au delà de ces exemples isolés on peut s'étonner du silence des
instances du football lors de la candidature de l'Euro 2016 d'abord puis
des montages pour la réalisation des stade ensuite.
On aurait pu
attendre des clubs, de la ligue et de la fédération qui portait à
l'époque la candidature la formulation de propositions permettant aux
clubs de s'investir pleinement dans le financement, la réalisation et
l'exploitation des stades. Des pistes de réflexions avaient alors été
avancées en ce sens
2010-12-21 Un projet de loi Euro 2016 ou un projet de loi grandes enceintes sportives ?
2012-04-03 La ligue fermée une voie d'avenir ?
Une enveloppe des droits TV aurait également pu être affectée à la
rénovation des stades puisque ceux-là sont le réceptacle de la diffusion
et que les diffuseurs imposent certaines contraintes.
La question du loyer
Les nouveaux stades posent la question du nouveau loyer. La
quasi-gratuité des anciens stades est évidemment substantiellement
remise en cause dans les nouveaux stades. Il ne saurait en être
autrement ni économiquement, ni juridiquement. Economiquement parce que
les contraintes pesant sur les finances publiques ne permettent plus de
ne rien répercuter des charges que représentent pour les collectivités
ces nouveaux stades. Juridiquement parce que la quasi-gratuité qui était
déjà contestable sera de plus en plus contrôlée. Contrôlée
démocratiquement par les opposants et/ou contribuables (exemple du Stade
Gerland et du Stade des Alpes). Contrôlée également par la Commission
européenne s'agissant du régime des aides d'Etat : la décision rendue
par la commission le 18 décembre 2013 (Décision de la Commission du 18
décembre 2013 / Aide d'Etat SA.35501 - France - Financement de la
construction et de la rénovation des stades pour l'EURO 2016) met le
doigt sur cette question en indiquant qu'elle fera l'objet d'un
traitement particulier (aujourd'hui en cours).
En la matière le pari de la négociation de loyers faibles relève
d'une dangereuse « cécité court-termiste ». Les clubs profitant de tels
loyers vivent avec, sur leur tête, l'épée de Damoclès d'une remise en
cause s'accompagnant d'une réévaluation significative pour le futur et
d'une action en restitution du rabais indu pour le passé. Il est
d'ailleurs difficilement envisageable que, dans le cadre d'une cession,
l'acquéreur du club ne demande pas sur ce point une garantie de passif
au vendeur.
En la matière il est probable que les conditions d'occupation
négociées entre la Ville de Bordeaux et le club des girondins
constituent une référence pour l'avenir. Les parties se sont engagées
dans un contrat de 30 ans avec 20 M€ de loyer initial et 3,85 M€ par an
de part fixe, plus une part variable assise sur le chiffre d'affaires
billetterie et des garanties de paiement apportées par l'actionnaire du
club.
A l'occasion de la dernière journée de Ligue 1, l'inauguration du
nouveau Stade de Bordeaux sera l'occasion de rappeler qu'au-delà des
critiques parfois hâtives et de mauvaise foi, le PPP aura permis une
importante rénovation du parc des stades français avec des réalisations
de qualité et un respect des délais.
Le projet bordelais est en la matière emblématique : qualité
architecturale et fonctionnelle du stade, respect des délais et des
coûts, intelligence des acteurs avec un accord financier entre la Ville
et un club qui a compris :
- d'une part que s'il ne s'engageait pas
dans la réalisation du Stade (ce qui n'est pas son métier),
l'exploitation hors match pouvait ne pas lui échoir mais qu'il n'y avait
pas nécessairement là un enjeu compte-tenu du caractère
non-transposable des exemples étrangers,
- d'autre part qu'il
convenait de supporter un loyer économiquement raisonnable parce que les
gains comptables à court terme n'étaient que des mirages compte-tenu du
risque qu'ils comportaient.
Faute d'avoir porté un nouveau modèle qui aurait véritablement permis
aux clubs de maitriser la conception, la réalisation et l'exploitation
du Stade, comme a pu le faire JM Aulas, les instances du football
peuvent-elles raisonnablement aujourd'hui contester le PPP qui a permis
la livraison des stades dans les délais imposés par l'UEFA.
Peuvent-elles sérieusement le contester alors qu'elles ont voulu cette
candidature ? Doit-on les entendre alors qu'est livré le Nouveau Stade
de Bordeaux à la plus grande satisfaction du Président des Girondins.
Article co signé avec Eric De Fenoyl
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