Faut il décentraliser les CREPS à la sauvette par un simple amendement sans redéfinir clairement les rôles et moyens de tous les acteurs du sport et enclencher de nouvelles synergies entre eux ? C'est en substance la question que posent aujourd'hui les directeurs des sports des régions qui ont d'ailleurs eu l'occasion d'échanger sur le sujet avec leurs collègues de la direction des sports du ministère.
Nous avons pu nous entretenir avec Jean Luc Garde directeur des sports de la Région Rhône-Alpes et coordinateur technique de la commission sport au sein de l'ARF sur ce sujet.
Deux points de vue pour une vision partagée.
Coté Ministère, le transfert des CREPS aux Régions apparaît comme la meilleure solution pour maintenir l'ensemble des établissements dans le système sportif français. Vu du ministère, l'équation est simple :, le ministère n'a plus les moyens financiers de conserver en l'état ce réseau dans son giron (risque potentiel de fermeture d'établissements comme en 2009/2010) mais continuera ainsi à animer le réseau au travers des missions nationales que conservera chaque établissement (notamment le SHN) et auxquelles les Régions apporteront une contribution essentielle. Et d'espérer que les régions apportent une vraie plus value au-delà de la seule gestion des bâtiments comme c'est le cas pour les EPLE.
Coté Régions l'équation est plus complexe. Pour les techniciens et certains élus, même si l'idée ne soulève pas d'enthousiasme débordant, "à la limite le transfert des CREPS pourrait être accepté dans la logique des compétences régionales actuelles en matière de formation, et d'aménagement du territoire et sera finalement un peu « noyé » au milieu d'autres nouvelles compétences" souligne Jean Luc Garde. « Comme nos collègues du MJS, nous espérons que les Régions saisiront cette opportunité pour asseoir leur propre politique sportive et l'ensemble des politiques sportives publiques ; mais nous redoutons que cet espoir se heurte à des réalités incontournables »
Pour les techniciens des régions, le risque est, en effet, moins dans un manque de volonté que dans les difficultés de mise en œuvre de ce transfert.
D'abord il y a fort à parier que les CREPS seront gérés par les Directions du Patrimoine et des Ressources Humaines des Régions sans réelle implication dans le sport. Les CREPS deviendront plus un outil au service des politiques régionales la formation notamment que le développement du sport en général et du Haut niveau en particulier.
« On peut également s'attendre à ce que les régions cherchent d'un coté à optimiser les recettes des CREPS (notamment hébergement et locations) puisqu'ils sont directement liés à leur compétence en terme de bâtiments et de personnels techniques et de l'autre à se décharger des secteurs qui ne sont que des postes de dépenses, notamment le SHN, pour lequel la Loi ne leur donne aucune compétence. Elles n'auront ni la volonté ni surtout les moyens d'accompagner le transfert des murs et des personnels techniques par des initiatives de contenu comme elles l'avaient fait lors du transfert des EPLE.» prédit Jean Luc Garde.
Sans compétence pas de décentralisation des CREPS
Car le risque est bien là : l'absence de compétences sport dans un contexte où la réforme territoriale va vraisemblablement accroître fortement le champ des compétences obligatoires voire exclusives des Régions (routes, collèges, économie,...). Même si des ressources fiscales équivalentes leur sont transférées (ça reste à voir !) les Régions seront dans l'obligation « mathématique » de réduire drastiquement leurs dépenses sur les compétences « optionnelles »... dont le sport. Le budget sport des régions ira sur les dépenses obligatoires : les équipements sportifs des lycées voire des collèges selon le maintien ou non des départements. Quant aux départements, ils ont déjà engagé une baisse des subventions au mouvement sportif départemental.
Alors qu'en 2012 la réforme territoriale était plus évasive sur la répartition des compétences et prévoyait que les conférences territoriales de l'action publique apporteraient les précisions nécessaires. On pouvait donc espérer, notamment au vu des travaux des commissions du CNS, que la généralisation de Conférences Territoriales dédiées au sport permettrait une répartition claire et cohérente des rôles et que, dès lors, les CREPS conféreraient automatiquement aux Régions un rôle de chef de file en la matière.
« Aujourd'hui, comment imaginer une décentralisation des CREPS en dehors de toute clarification de la gouvernance du sport français, des compétences et ressources de ses acteurs et en « marge » d'une réforme territoriale qui ne dit rien sur les obligations ou réelles possibilités des Régions en matière de politique sportive ? » questionne Jean Luc Garde.
Le financement du mouvement sportif menacé.
Penser que la réforme territoriale, la décentralisation des CREPS et finalement l'affaiblissement du ministère des sports donnera plus de poids au mouvement sportif qui se positionnera comme le coordonnateur entre le national et le local est très risqué.
Le recentrage des financements régionaux sur les compétences obligatoires et l'extinction progressive des crédits sportifs des départements va considérablement réduire le financement des échelons locaux du mouvement sportif selon les directeurs des sports des Régions.
Dans une construction sans compétences et sans chefs de files, le financement des collectivités territoriales profitera, hors compétences obligatoires, et pour ce qu'il reste de moyens, aux politiques sportives volontaristes qui risquent fort d'être orientées exclusivement vers le mouvement sportif local (notamment pour pallier le désengagement des départements) ou vers le sport professionnel dont les grands clubs véhiculent l'identité locale beaucoup plus clairement et surement que les structures du Parcours d'excellence sportive, souvent peu connues.
Dans ce contexte, les techniciens de l'Etat et des Régions s'accordent sur le fait que les CREPS méritent mieux que d'apparaître comme une « patate chaude » et suggèrent que :
- Soit le texte de décentralisation précise mieux les obligations et ressources des Régions et du bloc communal en matière de politique sportive ;
- Soit il renvoie cet exercice à des textes d'applications qui découleront de négociations entre les acteurs ou de l'instauration obligatoire de Conférence Territoriales du Sport
Nous souscrivons totalement à cette analyse. Les CREPS, le haut niveau et plus globalement la gouvernance du sport en France mérite mieux qu'un amendement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire